J’ai été sapeur-pompier professionnel pendant 16 ans jusqu’au grade de Commandant. Je suis aujourd’hui coach et formatrice. Comment passe-t-on de l’un à l’autre ?
Par où commencer ? Par mon engagement peut-être…
Qu’est-ce qui motive une jeune étudiante en droit à s’engager chez les sapeurs-pompiers ?
Mon engagement au service de la population a en réalité commencé dans une association de sécurité civile. J’étudiais le droit à l’université et je voulais me rendre utile sur mon temps libre.
Avant de me présenter à l’antenne locale, j’ai commencé par passer le PSC1 (à l’époque, l’AFPS), c’est le premier niveau de secourisme accessible à tous. Cette journée réalisée dans une caserne de pompiers, animée par un sapeur-pompier a été une révélation. La graine était plantée.
Je suis restée quelques temps dans cette association tout en sentant grandir en moi l’envie de rejoindre le corps des sapeurs-pompiers. Secourir sur la voie publique, intervenir sur les accidents, découvrir l’incendie … cette idée ne me quittait plus, je voulais devenir sapeur-pompier volontaire. Par chance, il y avait une caserne près de chez moi.
Je vous laisse deviner la réaction de mon entourage…
Je repense à Pierre, l’un de mes camarades d’amphi à la fac, incrédule : « Tu vas aller en cours la journée et la nuit tu vas secourir des gens et revenir en cours le lendemain ? » !
Après avoir passé les tests de recrutement, et suivi plusieurs semaines de formation les week-end, j’ai pu progressivement monter dans les engins.
Dès mes premières interventions j’ai été confrontée à la détresse humaine, sociale, psychologique et physique. J’étais jeune et j’ai eu la chance d’être accompagnée par mes collègues. Les pompiers c’est une deuxième famille ; on se soutient mutuellement. Vivre ensemble des situations difficiles crée des liens.
Parallèlement à mes études j’ai donc eu cet engagement de sapeur-pompier volontaire. L’été, j’étais saisonnière en Vendée, c’est-à-dire que j’étais en renfort dans un centre de secours pendant deux mois.
L’idée de faire de cette activité mon métier m’a rapidement traversé l’esprit. J’ai orienté mes études dans ce sens en me spécialisant dans le droit et la gestion du risque et de la sécurité. A l’issue de mon master 2, je me suis présentée au concours de lieutenant de sapeur-pompier professionnel.
Le concours en poche, j’ai été recrutée au SDIS (Service Départemental d’Incendie et de Secours) du Nord avant de partir un an en formation à l’école des officiers (l’ENSOSP).
Pour commencer, j’ai été affectée comme adjointe dans un centre de secours principal de la métropole lilloise.
Sur le terrain, j’étais « chef de groupe », c’est-à-dire que je commandais les opérations de secours mobilisant 2 à 4 engins. J’assurais la fonction de « COS », commandant des opérations de secours. Mon rôle consistait à définir la stratégie de l’intervention et coordonner les équipes engagées, veiller à la sécurité générale de la zone d’intervention et assurer la remontée d’information.
J’étais aussi « officier de garde », c’est à dire, responsable de l’équipe de garde (12 à 16 personnes) pendant 24 heures.
Inutile de vous dire qu’à 25 ans, seule la nuit, gérer 15 hommes en caserne, dont certains ayant l’âge de mes parents, j’ai appris !
J’ai beaucoup appris aux côtés de mes collègues officiers et sous-officiers plus expérimentés ; j’ai apprécié ce rapport de transmission tant sur le volet opérationnel que sur la gestion humaine.
J’ai appris à ne pas décider trop vite, à écouter, à me positionner et à tenir bon quand il le faut.
Après ma réussite au concours de Capitaine, ce fut à mon tour de gérer un centre de secours principal, toujours de la métropole lilloise. 90 sapeurs pompiers professionnels et volontaires, 3 équipes. Je souhaitais avoir ce poste et m’y préparais depuis un moment. J’ai été cheffe de centre pendant près de cinq ans.
Dans le Nord, cette fonction est considérée comme l’une des plus difficiles : le management de proximité des hommes (et des femmes, si peu nombreuses soient-elles), être l’interface entre la direction et le terrain, motiver, gérer le temps de travail, maintenir la capacité opérationnelle des personnels et des engins pour défendre le secteur, connaître les risques du secteur d’intervention, travailler avec les syndicats, les élus, la presse, etc.
D’un point de vue opérationnel, je passais « chef de colonne », c’est à dire que je commandais des interventions mobilisant 2 à 4 groupes (jusqu’à plus de 50 sapeurs-pompiers). Également officier au centre opérationnel départemental (CODIS), sur des gardes de 24 heures, je coordonnais l’activité opérationnelle départementale et assurais la remontée d’information aux autorités.
Ces années n’ont pas été faciles, j’ai tenu bon. Elles ont été le terreau de ce qui me motive aujourd’hui : accompagner les cadres dirigeants et managers.
Diriger ou manager ne s’improvise pas. Un minimum de formation et d’accompagnement permet de faire basculer un mandat de dirigeant ou de manager de l’enfer à l’épanouissement professionnel.
Pour les dirigeants/managers mais aussi pour les dirigés/managés.
On souffre des deux côtés. Le dirigeant ou le manager encore plus, parce qu’il est souvent seul.
C’est sur un de mes postes suivants que mon ambition s’est précisée. Nommée Commandante après avoir réussi l’examen professionnel, je me suis positionnée sur le poste de responsable de l’ingénierie de formation du SDIS du Nord.
Objectifs principaux : écrire les référentiels de formation et mettre en place la réforme de la formation des sapeurs-pompiers décidée en 2017 au niveau national. Les formateurs devaient changer de posture et devenir des accompagnateurs de proximité et des formateurs-accompagnateurs. Pour mener à bien ma mission, j’ai suivi un cursus de coach professionnel pour former et accompagner le mieux possible les formateurs.
Dans ce cursus de coach, j’ai suivi un module appelé PCM1 (Process Communication Model Niveau 1), il était dans le « package ». Je m’y suis présentée sans plus de motivation car ce n’était pas du coaching pur. Préalablement à ces 3 jours de formation, je devais répondre à un questionnaire.
Dès la première journée, j’ai découvert les Types de personnalité, j’ai découvert à quel point il existe des modes de fonctionnement différents et à quel point ils expliquent certaines réactions et comportements qui peuvent paraître étranges ou inadaptés. J’ai surtout découvert mon profil… Ma première réaction a été d’interpeller la formatrice pour lui dire « il doit y avoir une erreur ».
La carapace que je m’étais façonnée, que j’avais entretenue pendant toutes ces années éclatait sous mes yeux. J’ai compris ce tiraillement entre ce que j’étais et ce que les autres me renvoyaient de moi. Cette double personne que j’étais depuis des années.
J’ai aussi compris que si j’avais eu cette formation (3 jours !) avant de prendre le commandement d’un centre de secours, à quel point les relations auraient été plus faciles. Pour moi et pour les personnes qui étaient en face de moi ! J’ai mesuré toute l’énergie que j’aurai pu économiser en adaptant ma communication et mon style de management. J’ai eu le sentiment de recevoir un décodeur de toutes les situations difficiles que j’avais vécues. J’ai aussi compris mes propres réactions, leur origine et leurs conséquences…
En même temps, avec mon N+1, nous travaillions sur le plan pluriannuel de formation. Nous avons interrogé tous les N+1, N+2 et N+3 de l’établissement sur leurs besoins en formation. 90% des personnes ont sollicité une formation des managers.
Convaincue par l’efficacité du modèle PCM, j’ai suivi la formation pour devenir formatrice. Nous avons ainsi pu proposer des formations PCM aux cadres de l’établissement.
J’ai pu constater les mêmes réactions que les miennes chez les personnes que j’ai formées. Un outil puissant pour améliorer la qualité de sa communication et de ses relations mais aussi pour mieux se connaître.
J’ai formé et accompagné plusieurs dizaines de personnes, sous-officiers, officiers, officiers supérieurs, techniciens, ingénieurs, personnels administratifs en charge du recrutement et de la gestion des ressources humaines, chefs de centre, chefs de pôle, médecins, infirmiers, etc.
Tous y ont perçu un intérêt à la fois personnel et pour l’exercice de leurs missions.
Après 15 ans à m’éloigner progressivement du terrain au gré des avancements de grade et des postes occupés, animer cette formation et accompagner les cadres a redonné du sens à mon engagement.
Convaincue de l’intérêt de l’accompagnement des managers et des dirigeants, j’ai continué à me former dans ce domaine.
Désormais Maître-praticienne en PNL, coach systémique et stratégique formée à l’Institut G. Bateson, formée à l’approche narrative ou encore au Triangle de Karpman, je me consacre désormais à cette nouvelle passion.
Non sans un pincement au cœur, j’ai donc rendu ma tenue de sapeur-pompier et vidé mon bureau au SDIS. Cette belle première partie de ma vie a préparé la suivante.
Mes accompagnements sont nourris de cette riche expérience et soutenus par plus de 700 heures de formation.
Pour avoir encadré, dirigé, accompagné pendant des années, dans toutes sortes de situation, je sais à quel point chaque personne est un réservoir de ressources.
Outre les valeurs qui les animent, l’une des forces des sapeurs pompiers est cette capacité d’adaptation qui leur permet de faire face et de trouver une solution là où tout semble désespéré. Je porte en moi cet optimisme et cette foi en l’être humain.
J’ai désormais beaucoup de plaisir à voir mes clients gagner en bien-être, en confiance et en performance lorsqu’ils parviennent à libérer tout leur potentiel.
Ne m’appelez plus « commandante », mais coach.
J’ai ouvert un nouveau chapitre de ma vie professionnelle. J’ai hâte de vous rencontrer.
Retrouvez-moi ici.